Etude du "marqueur de topique" wa dans les passages de romans de Tolstoï, Lawrence et Faulkner (en traduction japonaise, évidemment)

 

S.-Y. Kuroda

 

Le texte qu’on va lire est extrait du chapitre 6 de Pour une théorie poétique de la narration, essais de S.-Y. Kuroda, traduits de l’anglais (États-Unis) par Cassian Braconnier, Tiên Fauconnier et Sylvie Patron, introduction, notes et édition de Sylvie Patron (Paris, Armand Colin, coll. « Recherches », 2012, p. 175-192). Cet essai, intitulé « A study of the so-called topic wa in passages from Tolstoy, Lawrence, and Faulkner  (of course in Japanese translation) » (« Étude du “marqueur de topique” wa dans des passages de romans de Tolstoï, Lawrence et Faulkner  (en traduction japonaise, évidemment) »), publié dans un ouvrage collectif en 1987, mais écrit près de dix ans auparavant, a été traduit par Sylvie Patron. Dans cet essai, Kuroda montre que la langue japonaise a la possibilité de représenter un « jugement double » (dans une conceptualisation proche de celle de Franz Brentano et Anton Marty) dans l’esprit d’un ou de plusieurs personnages donnés ou interprétés comme sujets-supports du point de vue, possibilité qui n’a pas d’équivalent dans la version anglaise et aussi bien française des phrases considérées.

Sylvie Patron

1. En guise d’introduction et de conclusion

Je me permets de signaler simplement ici que dans deux articles publiés précédemment[1], j’ai comparé la distinction entre les phrases « topicalisées » et « non topicalisées » par wa en japonais[2], et la distinction entre le jugement thétique et le jugement catégorique dans la théorie du jugement et la théorie grammaticale de Brentano-Marty. Cependant, au lieu de distinguer, comme le font Brentano et Marty, deux types de jugements, je considère que cette distinction constitue un problème sémantique au sens propre du terme (concernant la structure sémantique). On peut rappeler que Brentano définit le jugement catégorique comme un « jugement double », composé de la reconnaissance du sujet et du jugement reliant le prédicat au sujet. Mon intention dans cet article est d’essayer de rendre compte de certains usages de wa en utilisant la notion de « jugement double », prise dans une acception légèrement différente de celle de Brentano et Marty, puisque considérée comme une notion sémantique. La question de savoir comment cette caractérisation sémantique de wa peut permettre d’expliquer ses propriétés pragmatiques ou discursives constitue une question différente.

 

 

2. Dans les sections suivantes, je m’attacherai à étudier l’effet stylistique de wa ou de l’absence de wa en position de sujet d’un verbe de citation, dans des passages de romans de Tolstoï Lawrence et Faulkner, traduits en japonais. Par verbe de citation, j’entends ici un verbe transitif dont le complément d’objet est une citation directe.

Comme je suppose que la plupart des lecteurs ne sont pas familiers avec la langue japonaise, je ne donnerai pas les exemples en japonais[3]. Je mettrai entre crochets les sujets des verbes de citation qui sont traduits par des syntagmes en et entre accolades les sujets qui sont traduits par des syntagmes en ga. Par exemple, « “…” dit [Jean] » dans le texte français correspond à to Jean wa itta dans la traduction japonaise, et « “…” dit {Jean} » correspond à to Jean ga itta.

Il convient de se rappeler que les interprétations qui vont suivre sont fondées sur les textes des traductions japonaises que j’ai utilisées. Ces interprétations sont-elles adéquates ou non relativement aux textes originaux ? Si oui, dans quel sens et dans quelle proportion ? Ces questions ne nous intéressent pas ici.

 

 

3. Le premier passage que nous allons analyser est extrait de La Guerre et la paix de Léon Tolstoï (livre deuxième, première partie, chapitre XV)[4]. Nicolas Rostov, qui est en permission à Moscou, se laisse entraîner par Dolokhov, qui a demandé la main de sa cousine, Sonia, et a été éconduit, dans une partie de cartes qui lui fait perdre 43 000 roubles. Sonia aime Nicolas et il le sait ; lui-même hésite sur la nature des sentiments qu’il a pour elle. Dolokhov[5] décide de poursuivre la partie jusqu’à ce que la dette de Nicolas atteigne 43 000 roubles, parce que 43 est la somme de son âge et de celui de Sonia. La scène suivante a lieu dans la maison des Rostov, lorsque Nicolas, précipité dans l’abîme d’un malheur jamais éprouvé, retrouve sa famille réunie dans la joie, comme à l’accoutumée.

Dire « demain » et maintenir les apparences n’était pas difficile, mais rentrer tout seul à la maison, revoir ses sœurs, son frère, sa mère, son père, avouer et demander de l’argent auquel on n’a pas droit après la parole donnée, c’était affreux.

On ne dormait pas encore à la maison. Au retour du théâtre, on avait soupé, puis la jeunesse s’était réunie autour du clavicorde. À peine Nicolas entra-t-il dans le grand salon qu’il se sentit enveloppé par l’atmosphère amoureuse et poétique qui régnait cet hiver dans sa famille et qui, depuis la demande en mariage de Dolokhov et le bal de Jogel, semblait s’être encore épaissie comme l’air avant l’orage, autour de Natacha et de Sonia. Dans les robes bleu pâle qu’elles portaient au théâtre, elles se tenaient debout près du clavicorde, toutes deux jolies, et le sachant, heureuses et souriantes. Véra jouait aux échecs au salon avec Chinchine, et la vieille comtesse, dans l’attente de son mari et de son fils, étalait une patience en compagnie d’une vieille dame de la noblesse qui habitait chez les Rostov. Assis au clavicorde, Dénissov, les yeux au ciel, les cheveux ébouriffés, une jambe ramenée en arrière, plaquait des accords de ses doigts courts et chantait d’une voix grêle et rauque mais juste, des vers de sa composition, « l’Enchanteresse », en essayant d’y joindre un accompagnement.

Enchanteresse, dis-moi quelle puissance
M’attire vers l’instrument abandonné !
Quel est le feu qui dans mon cœur a pris naissance,
Quelle est la joie qui sous mes doigts a résonné !

 

Il chantait d’une voix passionnée et levait sur Natacha, à la fois effrayée et ravie, le regard étincelant de ses yeux sombres aux reflets d’agate.

— Admirable ! Merveilleux ! s’écria [Natacha]. Encore un couplet, dit-[elle] sans remarquer son frère.

« Tout est toujours pareil chez eux », pensa [Nicolas] ; il jeta un coup d’œil dans le salon et aperçut Véra et sa mère avec la petite vieille dame.

— Ah ! et voilà Nicolégnka ! s’exclama [Natacha] en accourant vers lui.

— Papa est-il à la maison ? demanda-t-[il].

— Comme je suis contente que tu sois là ! s’écria [Natacha] sans répondre à sa question. Nous nous amusons si bien. Vassili Dimitritch reste un jour de plus, à cause de moi. Le savais-tu ?

— Non, Papa n’est pas encore rentré, dit {Sonia}.

— Tu es rentré, coco ? Viens près de moi, mon chéri, dit du salon {la comtesse}. Nicolas  s’approcha de sa mère, lui baisa la main et s’étant assis en silence à sa table, suivit des yeux les gestes de ses mains qui étalaient les cartes. De la pièce voisine parvenaient des rires et des voix joyeuses qui cherchaient à convaincre Natacha.

— Bien, très bien, s’écria [Dénissov], inutile maintenant de vous dérober, vous nous devez la barcarolla, je vous en supplie !

La comtesse regarda son fils qui restait silencieux.

— Qu’as-tu ? lui demanda-t-[elle].

— Oh, rien, répondit-[il], comme las d’entendre toujours cette question. Père rentrera-t-il bientôt ?

— Je le suppose.

« Tout est pareil chez eux. Ils ne savent rien ! où aller ?... » pensa [Nicolas]. Il retourna dans le grand salon.

 

Dans le texte de la traduction japonaise (trad. M. Yonekawa, Tokyo, Iwanami Shoten, coll. « Iwanami bunko »), les sujets des verbes de citation sont tous des syntagmes en wa, à l’exception de deux : Sonia et la comtesse (entre accolades dans le texte ci-dessus). Quels sont les effets stylistiques créés par ce contraste ?

 

 

3.1. On peut considérer que le passage tout entier représente le point de vue de Nicolas. Il s’agit de la description d’une scène qui se déroule simultanément dans le grand salon et dans la pièce voisine, telle qu’elle est reflétée dans la conscience de Nicolas au moment où il entre dans le grand salon et tandis qu’il se dirige vers la pièce où se trouve sa mère[6]. Dans ce passage tel que je l’interprète à partir de la traduction japonaise, l’état de la conscience[7] de Nicolas est d’abord centré sur Natacha. Nicolas entend Natacha s’écrier « Admirable ! Merveilleux ! » et tout le reste de son discours jusqu’à « Le savais-tu ? ». Elle focalise d’autant plus son attention qu’il lui pose une question et qu’il se rend compte qu’elle n’y répond pas. C’est alors que Sonia, qui ne figurait pas dans le champ de son attention jusque là, apparaît dans l’état de conscience de Nicolas, en disant « Non, Papa n’est pas encore là ». Puis c’est la comtesse qui l’appelle du salon (« Tu es rentré, coco ? Viens près de moi, mon chéri »). Nicolas s’approche alors de sa mère et se met à regarder ses mains, tout en percevant les bruits joyeux venus de la pièce voisine. Son attention est à nouveau attirée vers le grand salon. Il entend Denisov s’écrier « Bien, très bien ». Puis, son attention revient vers sa mère, qui lui demande « Qu’as-tu ? ».

 

 

3.2. On peut distinguer trois catégories de syntagmes en wa sujets d’un verbe de citation dans notre texte. On trouve d’abord deux occurrences de Nicolas sujet du verbe penser. Les phrases « “Tout est toujours pareil chez eux”, pensa Nicolas » et « “Tout est pareil chez eux. Ils ne savent rien ! où aller ?...” pensa Nicolas » contiennent une indication explicite, lexicale, de ce que le passage représente le point de vue de Nicolas. Disons que dans ce type de cas, le syntagme en wa est sujet d’un verbe de processus intérieur[8].

On a ensuite deux exemples dans lesquels le pronom il, renvoyant à Nicolas, est le sujet d’un verbe de citation : « “Papa est-il à la maison ?” demanda-t-[il] » ; « “Oh, rien”, répondit-[il] ». Ces phrases ne contiennent pas d’indications grammaticales de ce qu’elles représentent le point de vue de Nicolas. Nous pouvons choisir de les considérer comme telles, mais il s’agit alors d’une interprétation littéraire (ou stylistique).

J’ai dit plus haut que nous pouvions considérer le passage tout entier comme représentant le point de vue de Nicolas. (J’admets cependant que la phrase « La comtesse regarda son fils qui restait silencieux » puisse être interprétée comme la représentation du point de vue de la comtesse, combiné ou non à celui de Nicolas.) C’est la structure du point de vue la plus simple et la plus naturelle que nous puissions construire à partir du texte. Dans le texte lui-même, il n’y a aucune marque, grammaticale ou autre, qui nous oblige à considérer que les deux phrases « “Papa est-il à la maison ?” demanda-t-il » et « “Oh, rien”, répondit-il » représentent, par exemple, le point de vue de Natacha, c’est-à-dire décrivent les événements en question tels qu’ils sont reflétés dans la conscience de Natacha. Nous ne sommes pas obligés non plus d’interpréter ces phrases comme une description donnée indépendamment de tout point de vue, en particulier de celui de Nicolas (c’est-à-dire décrivant les événements du point de vue du narrateur, si l’on accepte d’utiliser cette terminologie). Il n’y a aucune raison de considérer que la description du « courant de conscience »[9] de Nicolas s’interrompt dans ces phrases pour laisser place à autre chose. À partir du moment où ces phrases sont interprétées comme représentant le point de vue de Nicolas, leurs sujets (exactement les sujets des verbes demander et répondre) peuvent être dits coréférents du sujet du point de vue que représentent les phrases.

Nous dirons qu’une phrase (ou le sujet du verbe principal de cette phrase) est réflexive (ou réflexif) du point de vue si le sujet de la phrase est coréférent du sujet du point de vue que représente la phrase.

Dans les deux cas que nous venons de mentionner, nous avons donc une phrase comportant un verbe de citation dont le sujet est (ou est interprété comme) réflexif du point de vue. La différence entre les deux est que dans le premier cas, le verbe est un verbe de processus intérieur, en l’occurrence penser, alors que dans le second, l’événement décrit est un événement extérieur.

Je me livrerai à un examen approfondi de ces deux cas un peu plus tard et voudrais à présent me concentrer sur le troisième. Dans tous les exemples restants, le sujet du verbe de citation est quelqu’un d’autre que Nicolas ; autrement dit, le sujet du verbe principal n’est pas réflexif du point de vue. Examinons à présent ces exemples de syntagmes en wa non réflexifs du point de vue.

 

 

3.3. Sur la base de l’analyse interprétative qui a été donnée précédemment, nous pouvons affirmer que si un verbe de citation est accompagné d’un syntagme en wa non réflexif du point de vue, alors le sujet de ce verbe (ou, plus exactement, son référent) est un élément contenu dans l’état de la conscience de Nicolas, élément qui doit être considéré comme indépendant de l’événement décrit dans la phrase de citation elle-même[10].

Prenons, par exemple, la phrase « “Admirable ! Merveilleux !” s’écria [Natacha] ». Nous avons ici un événement, Natacha s’écriant « Admirable ! Merveilleux ! ». Natacha est un des éléments constitutifs de cet événement. L’événement est enregistré dans l’état de la conscience de Nicolas, et l’image, ou la compréhension, de cet événement devient un élément du « courant de conscience » de Nicolas. À l’image ou à la compréhension de cet événement correspond une signification, qui peut être représentée par le prédicat à deux places s’écrier, dont le premier argument est Natacha (ou, plus exactement, un terme désignant Natacha). Natacha (ou le terme qui la désigne) est un élément de cette signification ; elle (ou son image, ou sa notion) est un élément de l’image ou de la compréhension de l’événement. En tant que tel, c’est un élément du « courant de conscience » de Nicolas. Cependant, au moment où l’événement se produit, Natacha (ou son image, ou sa notion) se trouve déjà au centre de l’attention de Nicolas, et cela indépendamment de l’occurrence de l’événement, et indépendamment aussi de la création de l’image ou de la compréhension de l’événement dans le « courant de conscience » de Nicolas. La phrase « “Admirable ! Merveilleux !” s’écria [Natacha] », comportant la particule wa postposée à Natacha, correspond à cet état de la conscience de Nicolas dans lequel l’image (ou la notion) de Natacha assume deux fonctions différentes.

Au contraire, lorsque le sujet du verbe de citation est accompagné par ga, comme dans « “Non, Papa n’est pas encore rentré”, dit {Sonia} », l’image ou la notion du sujet est un élément de l’image ou de la compréhension de l’événement qui ne doit pas être considéré comme indépendant de l’événement décrit dans la phrase de citation elle-même. Autrement dit, Sonia dans la phrase ci-dessus n’apparaît dans l’état de conscience de Nicolas qu’en tant qu’élément de l’événement constitué par le fait que Sonia dit « Non, Papa n’est pas encore rentré ».

L’effet stylistique du ga postposé à Sonia dans « “Non, Papa n’est pas encore rentré”, dit Sonia » mérite une remarque supplémentaire. Au moment où Nicolas entre dans le grand salon, Sonia se tient debout près du clavicorde, en compagnie de Natacha. On ne peut donc pas supposer que Nicolas ne la voit pas. En revanche, il est très plausible qu’il cherche inconsciemment à l’éviter. Nicolas sait que Sonia l’aime d’un amour désintéressé. Il a lui-même des sentiments complexes à son égard. Il se pourrait qu’elle soit la dernière personne qu’il ait envie de rencontrer dans la maison après sa perte honteuse. Sa sœur Natacha, en revanche, simple, gaie, joyeuse — ah, si seulement il pouvait rencontrer Natacha ! Cette discrimination spontanée que fait Nicolas entre Sonia et Natacha a pour effet d’attirer son attention sur Natacha au moment où il entre dans le grand salon. C’est cette attitude de Nicolas qui se trouve reflétée dans le choix des particules wa et ga postposées respectivement à Natacha et à Sonia. Nicolas ne permet à Sonia d’apparaître dans son état de conscience qu’en tant qu’élément de la perception de sa prise de parole : « Non, Papa n’est pas encore rentré ».

On pourrait être tenté d’analyser le ga postposé à {Sonia} comme un marqueur de focus (« focus » au sens grammatical[11], non au sens de ce qui focalise l’attention). Selon cette analyse, la phrase « “Non, Papa n’est pas encore rentré”, dit Sonia » serait paraphrasable par « C’est Sonia qui dit (répondant à la question posée par Nicolas à Natacha) : “Papa n’est pas encore rentré” ». Mais à supposer que cette interprétation soit correcte et que ga fonctionne bien ici comme un marqueur de focus, le problème de l’effet stylistique créé par le contraste entre Natacha wa et Sonia ga n’en est pas résolu pour autant. D’autre part, il n’est pas du tout évident que cette phrase doive être interprétée comme une phrase focalisée, répondant à la question implicite « qui répond à la question de Nicolas ? ». Nous avons ici une séquence déterminée d’événements. Nicolas demande si son père est à la maison ; cette question est suivie par un énoncé de Natacha qui ne répond pas à la question, puis par un énoncé de Sonia qui y répond. Le problème qui se pose à nous (si nous nous mettons un instant à la place de l’auteur) est celui de savoir comment décrire cette séquence d’événements. Ce problème n’est pas lié a priori avec la question de savoir qui répond à la question de Nicolas. Entre les deux expressions Sonia wa et Sonia ga, il nous faut choisir celle qui correspond le mieux à la représentation de Sonia dans la description de cette séquence d’événements et de la façon dont ils sont reflétés dans la conscience de Nicolas. Si l’on considère que ga est impliqué dans une stratégie de focalisation, on devrait pouvoir le justifier sur la base d’une description de la signification de la phrase dans l’esprit du lecteur. De fait, on peut remarquer que Sonia serait suivie de wa si la fonction que nous avons attribuée à Sonia dans l’état de conscience de Nicolas était différente. Imaginons que l’attention de Nicolas soit également partagée entre Natacha et Sonia. Supposons, par exemple, qu’en voyant Natacha accourir vers lui, il dirige également son attention sur Sonia, restée près du clavicorde ou venant à sa rencontre en souriant. Dans ce cas, la phrase « “…” s’exclama Natacha en accourant vers lui » pourrait être suivie par une phrase du type : « [Sonia] lui sourit » (Sonia wa Nicolas ni hohoemi kaketa). En modifiant ainsi le contexte (c’est-à-dire la situation que nous voulons décrire), la citation « Non, Papa n’est pas à la maison » pourrait (ou devrait) être suivie par « dit [Sonia] à la place de Natacha » (Soniawa Natacha ni kawatte itta).

 

 

3.4. Tournons-nous maintenant vers le cas où le sujet du verbe de citation est réflexif du point de vue. Nous en avons deux exemples dans le texte : « “Papa est-il à la maison”, demanda-t-il » et « “Oh, rien”, répondit-il ». (Cependant, comme nous l’avons dit plus haut, la deuxième phrase peut aussi être interprétée comme représentant le point de vue de la comtesse.)

Il serait absurde de vouloir appliquer ici la même analyse que celle qui vient d’être donnée des syntagmes en wa non réflexifs du point de vue. Prenons la première phrase, par exemple. Je ne vois pas comment on pourrait dire que l’attention de Nicolas est dirigée sur lui-même dans « “Papa est-il à la maison”, demanda-t-[il] » comme on peut dire qu’elle est dirigée sur Natacha dans « “Ah ! et voilà Nicoléngka !”  s’exclama [Natacha] en accourant vers lui ».

Le wa postposé à Nicolasdans « “Papa est-il à la maison”, demanda-t-[il] » doit donc recevoir une explication qui tienne compte du fait que Nicolas est coréférent du sujet du point de vue. Cette donnée ne fait pas partie du monde de l’histoire, c’est-à-dire du monde représenté dans le récit[12]. Il s’agit plutôt d’une caractéristique de la narration, de la façon dont le récit est raconté[13].

Cependant, à partir du moment où on interprète cette phrase comme représentant le point de vue de Nicolas, on attribue implicitement à Nicolas un certain degré de conscience de soi[14]. Le wa postposé à Nicolas ne peut pas être remplacé par ga dès lors que cette phrase est comprise comme une phrase réflexive du point de vue (i.e. dès lors qu’elle doit être interprétée comme représentant le point de vue de Nicolas). Pour que l’événement puisse être décrit à partir du point de vue de Nicolas, il ne semble pas nécessaire que la conscience de Nicolas entretienne une relation particulière avec cet événement. Mais si c’est le cas, la signification de wa dans la phrase réflexive du point de vue peut également recevoir une explication à l’intérieur du monde de l’histoire. Allons jusqu’au bout de ce raisonnement. Nous reviendrons à l’explication externe par rapport au monde de l’histoire dans la section 3.5., après avoir examiné le cas du syntagme en wa sujet d’un verbe de processus intérieur[15].

La question posée par Nicolas, « Papa est-il à la maison ? », est un acte accompli volontairement, dans une situation de maîtrise de soi. On peut la comparer de ce point de vue avec la même question posée dans une situation où Nicolas serait sous hypnose, par exemple. Cette situation hypothétique pourrait être décrite par la même phrase, « “Papa est-il à la maison ?” demanda-t-[il] » (comme l’indiquent les crochets, il est accompagné de wa). Mais dans ce cas, Nicolas ne serait pas le sujet du point de vue et la phrase ne pourrait pas être interprétée comme reflétant le point de vue de Nicolas. Naturellement, Nicolas ne serait pas contenu dans l’état de conscience de Nicolas. Au contraire, avec le syntagme en wa réflexif du point de vue, le référent (Nicolas lui-même) peut être considéré comme un élément contenu dans l’état de conscience de Nicolas et un élément indépendant de l’événement extérieur constitué par le fait qu’il pose la question « Papa est-il à la maison ? » tel qu’il est reflété dans sa conscience.

Il y a cependant une différence entre ce cas et le cas du sujet non réflexif du point de vue qui a été examiné précédemment. Dans le cas présent, si le « moi »[16] de Nicolas peut être considéré comme un élément indépendant contenu dans son état de conscience, c’est uniquement en vertu de la structure « logique », si je puis dire, du contenu de la conscience. Dans la mesure où il est conscient[17] de poser la question « Papa est-il à la maison ? », Nicolas est aussi conscient de ce « moi » qui accomplit volontairement l’acte dont il est conscient. Il est au moins conscient du fait que l’acte constitué par le fait de poser cette question n’est pas incompatible avec sa volonté du moment et, dans la mesure où il est conscient de cela, il est nécessairement conscient de son « moi », indépendamment de la conscience qu’il a de son acte ; le « moi » de Nicolas est un objet contenu dans son état de conscience, indépendamment du « moi » qui est un élément de l’événement (l’événement constitué par le fait qu’il pose la question), lequel est également contenu dans son état de conscience.

Afin de préciser ce point, comparons la scène décrite dans notre texte avec la scène hypothétique suivante. Supposons qu’à la place de notre phrase nous ayons : « “Papa est-il à la maison ?” demanda-t-[il] involontairement » (en japonais, « Otoosan wa ie kai ? » to kare wa omowazu kiita). Nicolas attend son père pour lui demander l’argent nécessaire au paiement de sa dette envers Dolokhov. Mais il ne veut pas que les autres le sachent. Il se trahit pourtant en demandant, involontairement donc, à Natacha : « Papa est-il à la maison ? ». C’est ainsi que nous pouvons nous représenter la scène. La phrase « “Papa est-il à la maison ?” demanda-t-il » peut toujours être interprétée comme représentant le point de vue de Nicolas. Nicolas est conscient de son acte, au moment où il pose la question à Natacha. En même temps, il est conscient du fait que cet acte qui lui a échappé est contraire à sa volonté. Son acte et la volonté de son « moi » sont incompatibles, et Nicolas est conscient de cette incompatibilité. On en conclut que, dans la structure logique de l’état de la conscience de Nicolas, la conscience qu’il a de son « moi » doit être considérée comme indépendante de la conscience qu’il a de son acte.

Dans le texte tel qu’il est écrit, l’acte constitué par le fait que Nicolas pose la question « Papa est-il à la maison ? » est un acte accompli volontairement par Nicolas et il le sait pertinemment. Il sait que son acte, qui est un acte extériorisé, conscient, n’est pas incompatible avec la volonté de son « moi ». Je pense que notre phrase « “Papa est-il à la maison ?” demanda-t-il » signifie exactement cela, dès lors qu’elle est interprétée comme réflexive du point de vue. Nous devons donc admettre que, dans le contenu de l’état de conscience de Nicolas, tel qu’il est structuré logiquement, le « moi » de Nicolas est un objet indépendant de l’événement constitué par le fait que Nicolas pose une question à Natacha, lequel événement (dont Nicolas est un élément) est aussi un objet contenu dans la conscience de Nicolas.

 

 

3.5. Considérons maintenant le cas où le syntagme en wa est sujet du verbe penser, qui constitue le cas le plus explicite de représentation du point de vue de Nicolas. C’est justement pour cette raison que la fonction stylistique de wa est tout à fait différente de celle qu’il a dans les cas précédents. Au moment où se produit ce que nous avons appelé le processus intérieur, on n’a aucune raison de présupposer l’existence d’une conscience qui serait focalisée sur Nicolas. On ne peut même pas supposer que Nicolas est conscient de lui-même[18] comme il l’est, selon nous, dans les situations décrites par les phrases réflexives du point de vue telles que « “Papa est-il à la maison” demanda-t-[il] ». La phrase « “Tout est toujours pareil chez eux”, pensa Nicolas » n’implique pas que cet acte psychologique soit un acte accompli volontairement par Nicolas. Le fait que tout soit toujours pareil chez eux est contenu dans l’état de conscience de Nicolas, mais la phrase en question n’implique pas que Nicolas soit conscient réflexivement du fait qu’il a cette pensée[19] (même si cela n’a évidemment rien de contradictoire avec la conclusion tirée par Nicolas). Elle n’implique pas non plus que ce contenu (le fait que tout soit toujours pareil chez eux) ait la moindre interaction avec d’autres objets contenus dans l’état de conscience de Nicolas.

Les phrases telles que « “Tout est toujours pareil chez eux”, pensa Nicolas » ne représentent l’acte de jugement de personne. Dans de telles phrases, l’usage de wa ne peut pas recevoir d’explication à l’intérieur du monde de l’histoire. La théorie communicationnelle de la narration considérerait ici qu’il y a un narrateur omniscient qui perçoit et qui juge le processus intérieur en Nicolas. Dans une telle conception, l’usage de wa dans les phrases où Nicolas est le sujet du verbe penser s’expliquerait par analogie avec le wa postposé à Natacha dans les phrases représentant le point de vue de Nicolas. L’état de conscience du narrateur omniscient serait centré sur Nicolas. J’ai présenté un certain nombre d’arguments contre cette créature énigmatique que constitue le narrateur omniscient dans des articles publiés antérieurement[20]

À l’opposé de cette conception, je considère simplement que la fonction des phrases telles que « “Tout est toujours pareil chez eux”, pensa Nicolas » est de créer une signification dans l’esprit du lecteur, en créant simultanément le fragment de monde imaginaire qui permet d’y associer une référence. Dans cette conception de la narration, on n’a pas besoin d’autre chose que de l’état de conscience du lecteur pour expliquer la fonction de wa postposé au sujet d’un verbe de processus intérieur.

Il est intéressant de noter que les deux wa postposés à Nicolas, sujet du verbe penser (dont le complément représente le point de vue du référent de Nicolas), ne peuvent pas être remplacés par ga. Par exemple, on ne peut pas remplacer le wa postposé à Nicolas dans « “Tout est toujours pareil chez eux”, pensa Nicolas ». En revanche, tous les wa postposés à Natacha, sujet des verbes s’écrier, dire, etc. (dont les compléments ne représentent pas le point de vue du référent de Natacha), peuvent être remplacés par ga — cette substitution modifiant évidemment l’effet stylistique (i.e. sémantique) des phrases en question. Je reviendrai un peu plus tard sur l’effet créé par ces substitutions. L’impossibilité de remplacer les wa postposés à Nicolas, sujet du verbe penser, peut être considérée comme une indication du fait qu’un événement intérieur à la conscience de Nicolas ne peut pas apparaître dans l’état de conscience du lecteur de la même manière qu’un événement extérieur (par exemple, le fait que Sonia dise « Non, Papa n’est pas encore rentré »), les événements extérieurs pouvant, eux, apparaître, ou être imaginés comme apparaissant, dans l’état de conscience d’un personnage (par exemple, celui de Nicolas) ou dans celui du lecteur, à l’aide de son imagination. Il est tout à fait possible qu’un événement intérieur ne puisse pas constituer un élément autonome, une image ou une signification, dans l’état de conscience du lecteur, de la même manière qu’un événement extérieur.

Et de fait, le lecteur ne peut pas s’imaginer qu’il perçoit l’événement intérieur que constitue le fait que Nicolas pense telle ou telle chose et ne peut pas non plus s’identifier imaginairement avec une personne, quelle qu’elle soit, qui percevrait cet événement (sauf à faire intervenir la notion d’un narrateur omniscient, c’est-à-dire doté de la faculté surhumaine de percevoir directement les événements intérieurs). Notons que l’idée que nous puissions nous identifier imaginairement à Nicolas n’est pas valable non plus. Nous avons vu en effet que, dans la phrase « “Tout est toujours pareil chez eux”, pensa Nicolas », Nicolas ne pouvait pas être considéré comme conscient du fait qu’il pense « Tout est toujours pareil chez eux » de la même manière qu’il est conscient que Natacha s’écrie « Admirable ! Merveilleux ! » ou que Sonia dit « Non, Papa n’est pas encore rentré » — même s’il est assurément conscient du fait que tout est toujours pareil chez eux.

Néanmoins, notre phrase crée dans la conscience du lecteur la signification qu’un événement intérieur consistant à penser « Tout est toujours pareil chez eux » se produit dans la conscience de Nicolas ; autrement dit, elle fait prendre conscience au lecteur[21] que Nicolas pense cela. La représentation d’un événement intérieur consistant à penser quelque chose nécessite un prédicat à deux places, l’un représentant le sujet de conscience en qui le processus intérieur se produit, l’autre représentant le contenu de l’état de conscience créé par ce processus. Nicolas est présent dans notre état de conscience en tant que premier argument de ce prédicat au moment où nous saisissons cette signification. En même temps, Nicolas est présent dans notre état de conscience en tant que sujet du point de vue que représente la phrase, en tant que lieu de ce processus intérieur, processus que nous n’imaginons pas percevoir directement, mais dont nous sommes conscients de l’effet sur la conscience de Nicolas, tout simplement parce que nous ressentons de l’empathie à son égard.

Ainsi, la signification du wa postposé à Nicolas, sujet du verbe penser, ne peut recevoir d’explication qu’à l’extérieur du monde de l’histoire, qu’en tenant compte de la nature de la relation entre la conscience du lecteur et le monde de l’histoire.

On peut penser que cette explication externe est également valable pour les autres wa postposés aux sujets réflexifs du point de vue. Ce qui différencie le cas où Nicolas est sujet du verbe penser des autres cas de sujets réflexifs du point de vue est que, dans ces autres cas, le sujet du point de vue (en l’occurrence, Nicolas) perçoit en plus qu’il est lui-même un élément, exactement un acteur volontaire, de l’événement décrit par la phrase en question. Il est donc possible d’étudier également la nature de la relation entre Nicolas en tant que sujet de conscience qui perçoit l’événement et Nicolas en tant qu’acteur de ce même événement.

 

 

3.6. Si notre raisonnement est correct, nous pouvons en tirer la généralisation suivante. Nous avons distingué trois catégories de syntagmes en wa sujets de verbes de citation dans le texte. Premièrement, les syntagmes en wa non réflexifs du point de vue ; deuxièmement, les syntagmes en wa réflexifs du point de vue ; troisièmement, les syntagmes en wa en tant que le lieu de la conscience. Dans chacun des cas considérés, le référent du syntagme en wa existe dans la conscience du sujet du point de vue ou dans celle du lecteur indépendamment du (ou additionnellement au) fait qu’il constitue un argument du prédicat représenté par le verbe et, en tant que tel, un élément du contenu de la conscience en question. Dans le premier cas, on est même fondé à dire que le référent du syntagme en wa est établi en tant qu’élément du contenu de la conscience (l’attention du sujet du point de vue étant d’emblée focalisée sur lui) avant d’obtenir une autre qualification d’existence en tant qu’argument du prédicat représenté par le verbe, c’est-à-dire en tant qu’élément de l’événement perçu par le sujet du point de vue. Mais l’ordre d’apparition de ces deux qualifications d’existence n’est pas essentiel pour la généralisation qui nous intéresse ici. Le point crucial réside dans l’uniformité de la structure « logique », pour reprendre l’adjectif utilisé précédemment, des consciences que nous avons invoquées en mettant en relation phrases et états de conscience[22](la conscience de Nicolas dans le premier et le deuxième cas, celle du lecteur dans le troisième). La reconnaissance de l’existence du référent du syntagme en wa est indépendante de l’affirmation que l’événement décrit par le prédicat représenté par le verbe se produit. Nous devons donc conclure que, dans les trois cas, la phrase comportant un syntagme en wa est conforme aux caractéristiques structurelles du jugement catégorique considéré comme un « jugement double » par Brentano-Marty.

Il pourrait être intéressant de se livrer à une expérience de pensée[23] en essayant de remplacer les wa par des ga dans notre texte. On peut remplacer tous les wa postposés aux sujets de verbes de citation non coréférents du sujet du point de vue, Nicolas. Le passage tout entier peut toujours être considéré comme représentant le point de vue de Nicolas. Mais on dirait volontiers qu’il donne une impression de « sécheresse » beaucoup plus forte qu’auparavant. L’état de la conscience de Nicolas ne semble pas particulièrement centré sur Natacha, ni sur personne d’autre ; il ne semble pas non plus réagir à ce qui l’entoure. Tout se passe comme si la conscience de Nicolas enregistrait passivement, ou peut-être distraitement, les paroles et les bruits alentour. Il n’y a que les deux occurrences de wa postposées aux sujets réflexifs du point de vue il dans « demanda-t-il » et « répondit-il » qui indiquent un certain degré d’attention active à l’égard des événements extérieurs, produits, dans les deux cas, par des actes accomplis volontairement par Nicolas.

Comme je l’ai dit précédemment, les wa postposés à Nicolas sujet du verbe penser ne peuvent pas être remplacés par ga. Les deux wa postposés à Nicolas réflexif du point de vue résistent également au remplacement par ga dès lors que les phrases comportant le verbe penser nous invitent à interpréter le passage (ou au moins leur contexte immédiat) comme représentant le point de vue de Nicolas. En revanche, si nous éliminons ces deux phrases, effaçant ainsi les marques explicites, lexicales, du point de vue, nous pouvons remplacer wa par ga dans les syntagmes sujets des verbes demander et répondre. Dans ce cas, il serait tout à fait naturel de considérer que le passage ne représente plus aucun point de vue. La description devient encore plus « sèche », plus objective. Nous ne pouvons plus déceler dans ce passage aucun signe de ce que la conscience de Nicolas réagit à la réalité qui l’entoure. Tout se passe comme si nous entendions quelqu’un nous décrire un ensemble d’événements qu’il ou elle voit[24] représentés sur scène.

[…]

 



[1]Kuroda, 1972b et 1976b (repris dans Kuroda, 1979a). Pour les sources primaires, voir Marty, 1908 et 1925 [NdA]. — NdT : voir Kuroda, 1973 [1972b] ; voir aussi Kuroda, 1992, qui a valeur de synthèse.

[2] Angl. Japanese sentences with the so-called topic wa and those without it (lit. « entre les phrases japonaises qui comportent le prétendu marqueur de topique wa et celles qui ne le comportent pas ») [NdT].

[3] Kuroda  donne les exemples en anglais, sans faire référence à des éditions précises. Je remplace les exemples en anglais par les passages correspondants dans les traductions françaises, en les modifiant légèrement pour qu’ils coïncident avec la traduction des citations données par Kuroda. J’indique en note les références des éditions utilisées [NdT].

[4] Tolstoï, 1972 [1869] : 443-444 (traduction légèrement modifiée) [NdT].

[5] Phrase rectifiée (Kuroda  écrit he, qui renvoie à Nicolas, et the score, que je remplace ici par la dette de Nicolas). Voir ibid. : 440-441 [NdT].

[6] Kuroda écrit when he entered the ballroom and proceeded to the drawing room (« quand il entra », etc.) et, de manière générale, rapporte le contenu du récit au passé. Je traduis au présent en m’autorisant de Hamburger, 1986 [1957/1968] : 107 : « Inconsciemment, mais soumis à une nécessité logique, nous utilisons le présent dans la fiction épique lorsqu’il s’agit pour nous de rapporter le contenu d’un récit ou d’un drame ; ce présent peut être appelé présent de reproduction. Le sens logico-linguistique de ce présent n’apparaît clairement que lorsque, à sa place, nous utilisons un imparfait. Un tel imparfait ne peut que donner à la fiction le caractère d’un document de réalité et, comme on l’aura compris, n’est pas identique au prétérit épique. Pour la même raison, le présent de reproduction n’est pas non plus un présent historique, mais le présent atemporel d’une énonciation portant sur une idéalité » [NdT].

[7] Je traduis conscience par état de conscience ou de la conscience, et quelquefois conscience. Kuroda  utilise lui-même à deux reprises l’expression state of consciousness [NdT].

[8] Angl. inner process verb. Le terme est emprunté à Hamburger, 1957, 1968 : 72sq. (voir al. Verben der inneren Vorgänge). Voir Chap. 3, p. 105-106 [NdT].

[9] Angl. stream of consciousness. Les guillemets sont de moi [NdT].

[10] Kuroda  définit plus loin la phrase de citation, ou phrase citationnelle (quotative sentence), comme une phrase comportant une citation directe. Je traduis quotative sentence par phrase de citation sur le modèle de verbe de citation [NdT].

[11] Au sens de Chomsky, 1969 [NdT].

[12] Angl. the world of the story, the world the story is describing. Le terme story correspond ici à histoire. On pourrait également traduire world of the story par monde fictionnel ou monde de la fiction. Voir infra n. 20 [NdT].

[13] Angl. Rather it is a feature of the way the story is told. Le terme story correspond ici à récit et the way the story is told à narration. Pour une clarification des termes histoire, récit et narration, voir Chap. 2, p. 63, n. 1 [NdT].

[14] Angl. self-awareness. Voir infra n. 23 et 24 [NdT].

[15] La distinction que fait ici Kuroda entre une explication interne (angl. the meaning of wa […] may also be justifiable internally to the world of the story) et une explication externe par rapport au monde de l’histoire (angl. the possible justification external with the world of the story) est fondamentale et anticipe de nombreux travaux sur l’œuvre de fiction. Voir, par exemple, Pavel, 1986 (Pavel, 1988 [1986]), Olsen, 2001 : 107-215, Currie, 2010 [NdT].

[16] Angl. self. Les guillemets sont de moi [NdT].

[17] Dans cette phrase et dans les suivantes, Kuroda utilise l’adjectif aware. Il ne semble pas faire de distinction nette entre aware et conscious. Voir infra n. 24 [NdT].

[18] Angl. conscious of himself, repris ensuite sous la forme selfconscious [NdT].

[19] Angl. our sentence does not imply that he is reflecting on his own thought. C’est la définition de la reflective consciousness (conscience réfléchie) selon Kuroda, 1974a et 1975/1976a (voir Chap. 2, p. 86-87, et Chap. 3, p.109sq). Kuroda  utilise plus loin le terme reflective consciousness [NdT].

[20] Kuroda, 1973a, 1974a, 1976a. Le premier et le, 1979a [NdA]. — NdT : voir Kuroda, 1979c [1973a], 1979c [1974a], 1975, et dans ce volume, Chap. 1, 2 et 3.

[21] Angl. the reader is made aware [NdT].

[22] C’est un cas où Kuroda  utilise state of consciousness (angl. the consciousness whose state the sentence is related to in each case) [NdT].

[23] Kuroda  écrit some gedanken experiments (lit. « quelques expériences gedanken »). On pourrait également traduire Gedankenexperiment par expérience imaginaire [NdT].

[24] Kuroda  écrit a scene s/he saw on the stage (lit. « une scène qu’il ou elle a vue », etc.). C’est peut-être un cas où il faudrait maintenir le passé [NdT].

 

 

01/11/2012

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